5 mai 2021

À coups de petits miracles à gauche et à droite, de sacrifices, d’oublis de soi et d’efforts immenses, nous aurons réussi, en pleine pandémie, à poursuivre notre enseignement auprès des élèves et à garder les écoles ouvertes. Ce n’est pas rien.

Disons-le : nous avons remis le Québec en marche au péril de notre propre santé. Pourtant, nous n’avons entendu aucun bravo de la part du gouvernement. Les enseignantes et les enseignants ne sont même pas reconnus travailleuses et travailleurs essentiels. Comment est-ce possible?

Des inquiétudes pour les retombées à long terme

Le personnel de l’éducation a démontré un grand courage et un sens du devoir peu commun depuis l’éclosion de la pandémie. Je pense sincèrement que nous aurions mérité plus de reconnaissance de la part du gouvernement. Sans compter que, pour ma part, je m’interroge à savoir si les mesures sanitaires prises pour désinfecter nos milieux de travail n’auront pas des conséquences à long terme sur notre santé.

Je fais référence particulièrement à l’usage, plusieurs fois par jour, que nous faisons de l’Oxivir, un désinfectant avec peroxyde d’hydrogène. Ce produit est utilisé pour nettoyer rapidement la classe chaque fois qu’un cours prend fin et qu’un nouveau groupe prend la place. Nous respirons fréquemment ce produit depuis des mois. On nous rassure en nous disant qu’il est sécuritaire, mais je demeure inquiète des conséquences à plus long terme. Y a-t-il des risques cancérigènes? Je ne peux m’empêcher de me poser la question.

Un véritable casse-tête

Et que dire de la fatigue accumulée que cette pandémie occasionne au personnel enseignant? Comme l’ensemble de mes collègues, j’ai dû prendre les bouchées doubles depuis plus d’un an pour m’adapter à cette situation nouvelle et tenter de recréer un semblant de normalité avec les élèves dans la classe. Je crois y être parvenue, mais cela ne s’est pas fait sans beaucoup d’efforts.

Je ne vous l’ai pas encore dit, mais j’enseigne la musique. Et qui dit musique dit instruments de musique. Pouvez-vous imaginer quelques instants comment il est compliqué de gérer, en pleine pandémie, le partage des instruments de musique entre les élèves, leur nettoyage et leur manipulation sécuritaire? Je vous confirme que cela représente un véritable casse-tête.

Un sentiment constant de fatigue

J’ai donc passé une bonne partie de mon temps, depuis la rentrée, à pédaler pour préparer la classe afin d’accueillir le groupe suivant, ce qui voulait dire devoir replacer chaises et pupitres, mais également nettoyer tous les instruments de musique plusieurs fois par jour. J’enseigne à plus d’une vingtaine de groupes chaque semaine. Il est facile d’imaginer la somme de travail que cela représentait. Le stress supplémentaire est bien réel, et je suis vraiment fatiguée. Mais puis-je me plaindre puisque je fais partie des professeurs de musique qui ont pu poursuivre leur enseignement alors que mes collègues n’ont pas toutes et tous bénéficié de ce privilège?

Il n’en demeure pas moins qu’à deux mois de la fin de l’année scolaire, je n’ai jamais été aussi mal dans mon corps que cette année. La surcharge de travail, que je supporte et que j’endure depuis des mois, pèse de plus en plus lourd sur mes épaules. Il n’y a pas une journée qui passe sans que je ressente cette lassitude qui me colle à la peau. Je suis fatiguée le jour et je dors mal la nuit. Il arrive que cela me rende irritable. Qu’à cela ne tienne, règle générale, je garde le sourire dans mon quotidien, et c’est tant mieux. Je ne peux malheureusement pas en dire autant de tous mes collègues dont certains sont plus affectés que moi et d’autres ont été même incapables de trouver la résilience nécessaire pour passer à travers cette année si spéciale.

Les malheurs de l’enseignement à distance

Tout a commencé avec l’explosion de la pandémie au printemps 2020. Comme tout le monde, je me suis retrouvée en télétravail durant quelques mois. Comme je m’y attendais, l’enseignement de la musique à distance est un réel défi. Il faut faire preuve d’une grande créativité, mais cela demeure impossible d’atteindre les mêmes conditions d’apprentissage et de transmission des connaissances qu’en présence des élèves en classe.

Si je n’avais qu’à me préoccuper de mon enseignement, ce ne serait déjà pas si pire. Mais l’enseignement à distance oblige à faire beaucoup plus de discipline que c’est le cas en classe. Il est très difficile de garder l’attention des élèves. Ils bougent beaucoup et ne font pas toujours le travail qu’on leur demande. Bref, il faut souvent les ramener à l’ordre.

L’expérience des derniers mois a démontré clairement que l’enseignement à distance est loin d’équivaloir à l’enseignement en classe. Les conditions d’apprentissage ne sont pas maximales, et les élèves ne sont pas aussi bien disposés à l’effort et au travail. Nous avons d’ailleurs dû tenir compte de ce changement d’attitude et ajuster nos critères d’évaluation en conséquence.

Des conditions difficiles pour tout le monde

Le retour en classe en temps de pandémie pèse également lourd sur les élèves. Les mesures imposées pour assurer la sécurité et la santé de tout le monde ont obligé à mettre fin aux activités sportives et parascolaires. Les élèves ne peuvent plus voir leurs amis comme par le passé. Ils sont plus anxieux, facilement irritables.

Même situation du côté des enseignantes et des enseignants. Nous avons dû limiter le plus possible notre vie sociale. Fini les dîners et 5 à 7 entre collègues. Ce repli sur soi imposé par la pandémie affecte le moral de tout le monde. Sans compter que notre semaine de travail s’est prolongée les soirs et les fins de semaine, pour que nous puissions faire face aux nouveaux besoins, alors que notre salaire est demeuré le même. Rien pour remonter le moral de personne.

Le plus important

Voilà mon bilan personnel de cette dernière année d’enseignement passé en temps de pandémie. J’ai hâte que cette crise sanitaire prenne fin, car elle nous a fait perdre, au personnel comme aux élèves, plein de petites choses faisant en sorte que c’est un bonheur d’aller à l’école.

Heureusement, je n’ai pas perdu le plus important : ma passion pour l’enseignement et mon amour de la musique.